Lettre aux chercheurs : open access, du droit au devoir

Cher chercheur,

Je me permets de te tutoyer car je te côtoie depuis de nombreuses années dans les labos, congrès, repas de famille et – un peu moins depuis que tu lis tout en ligne – dans les bibliothèques.

L’amyotrophie spinale infantile est une maladie neuro-musculaire dégénérative. J’ai l’honneur de la connaître assez intimement, car ma fille en est atteinte. Du coup, en tant que famille de malade, membre d’une association de malades, j’ai besoin que la science que tu produits sur fonds publics soit en ligne, que moi et mes copains de galère, on puisse la lire, la comprendre, la triturer pour en tirer le meilleur et pouvoir discuter avec les équipes médicales, chercheurs, labos … Je te parle de mon bout de lorgnette, mais chacun peut avoir le sien, qui concernera divers domaines de la science.

Il se trouve que je suis aussi bibliothécaire dans l’enseignement supérieur et que je travaille depuis longtemps pour promouvoir l’open access.

Du coup, je connais bien tes réticences à déposer tes articles dans des archives ouvertes comme HAL, SAM, ou d’autres.

Cette phrase revient souvent, très souvent dans nos discussions :

« j’ai pas le temps, je suis sûr que j’ai pas le droit et puis tu sais, je mets déjà mes articles sur researchgate et/ou academia »

Permets-moi d’essayer de te montrer les choses différemment :

J’ai pas le temps : oui ton temps est compté, le mien aussi d’ailleurs. Vas-tu me faire croire que 5 minutes pour déposer un article c’est beaucoup, comparé aux heures de travail qu’il t’a demandé ? Peut-être publies-tu un ou deux articles par an, on parle donc de 10 minutes annuelles de ta vie de chercheur, 10 minutes pour ouvrir la science aux citoyens, la faire circuler, c’est trop ? Ne peux-tu pas considérer que la communication et donc la valorisation de ta publication fait partie intégrante du processus scientifique et donc y intégrer naturellement ces quelques minutes ?

J’ai pas le droit : en France, la Loi pour une République Numérique te donne le droit, par son article 30, de déposer le post-print de ton article, et ce depuis le 8 octobre 2016 : toutes les explications sont , ou . Alors, plus d’hésitation de ce côté là.

Researchgate et/ou Academia : ouh là là, danger : ces réseaux sociaux de recherche ont des conditions d’utilisations peu claires, suffisamment quand même pour savoir que déposer un article chez eux, c’est leur en donner les droits mondiaux et exclusifs. Est-ce  vraiment ce que tu souhaites ? En plus, tu as souvent tendance à y déposer la version finale, mise en page par l’éditeur, de ton article. Et ça commence à les agacer sérieusement, les éditeurs. Je te conseille plutôt d’adapter les judicieuses recommandations de l’équipe IST de l’INRA, en utilisant ces sites comme réseau social mais sans y déposer tes productions.

Et considère bien, si aucun de ces arguments ne t’as convaincu, que rendre ta science ouverte, c’est mieux la faire circuler et au final, augmenter sa citabilité de 30% ! Pas mal non ?

Récapitulons : tu peux prendre le temps, tu as le droit et tu connais les contre-indications des réseaux sociaux de recherche. Tu sais qu’une publication en accès ouvert est plus citée. Alors, utilise les outils institutionnels qui te sont proposés par les universités, grandes écoles, organismes de recherche, pour mettre ta recherche en accès ouvert de manière pérenne et sécurisée. Ouvre la science que tu as produite aux citoyens qui l’ont co-financée, afin qu’elle les fasse avancer dans leurs connaissances et qu’elle irrigue la société.

J’ai une idée : et si du coup tu te faisais un devoir de remplir cette noble tâche ?

Merci à toi.

 

 

 

 

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